La résilience climatique est indispensable à un système de financement durable

De Michael Mullan, Direction de l’environnement de l’OCDE

Crédit image : Shutterstock / Lightspring

Au début des années 2000, les consommateurs ont eu la surprise de découvrir que leurs lasagnes “au boeuf” étaient parfois faites avec de la viande de cheval. Des années après, le système financier global s’est retrouvé à genoux après qu’on ait découvert que certains titres notés triple A contenaient des ingrédients clairement spéculatifs (« sub-prime »).

Ces situations sont bien sûr très différentes, mais l’idée sous-jacente est que les gens ont besoin de savoir ce qu’ils achètent avec leur argent. Compte tenu des connaissances sur le changement climatique, et de ce qui en est déjà visible, nous avons besoin de savoir si l’épargne accumulée pour le futur est investie d’une manière qui met ce futur en danger. Aujourd’hui, cette question ne se limite plus au domaine de l’environnement : elle est désormais bien présente dans le cadre général des discussions sur le système financier.

L’un des points focaux de ces discussions concerne le rôle du système financier pour rendre possible la transition vers un monde à zéro émissions nettes ; il est néanmoins tout aussi indispensable de préparer le monde aux impacts climatiques que l’on peut déjà ressentir. Le monde doit devenir plus résilient – davantage capable de prévoir, de préparer, d’absorber et de s’adapter aux impacts physiques croissants du changement climatique.

Comprendre et gérer les risques physiques liés au climat

Un système financier durable ne peut perdurer dans un environnement physique de plus en plus fragile. Au Royaume-Uni par exemple, plusieurs « cas extrêmes » d’inondations ont pu être observés ces dernières années. Globalement, l’avenir qui nous attend est un scénario où les évènements qui sont extrêmes d’aujourd’hui deviendront la norme.

Ces risques physiques liés au changement climatique prennent des formes prévisibles, comme des pertes de valeur d’actifs et la désorganisation des chaînes d’approvisionnement. Mais nous commençons à voir émerger des conséquences moins prévisibles : les récentes perturbations météorologiques au Texas ont provoqué la faillite d’un fournisseur d’électricité, et par ailleurs généré des profits de trading de plusieurs centaines de millions de dollars pour au moins une grande banque. Plus la complexité et la variété des risques va s’accroître, moins on pourra se fier au passé pour prévoir l’avenir. Des risques systémiques vont émerger, avec des conséquences significatives pour le système financier.

Comprendre l’exposition du système financier aux risques physiques liés au climat fait de plus en plus partie des compétences reconnues en termes de gestion des risques. La Task Force on Climate Related Financial Disclosures recommande d’estimer et de déclarer les risques physiques liés au climat pour tous les flux financiers, qu’ils soient affichés ou non comme durables. Cette démarche est complémentaire des efforts des banques centrales, régulateurs et autres pour gérer les risques systémiques consécutifs au changement climatique.

Cependant, mieux comprendre et mieux gérer les risques dans le système financier est la ligne de départ plutôt que celle d’arrivée. Pour être environnementalement et socialement durable, la finance doit conduire des investissements dans l’économie réelle, dans des activités qui renforcent la résilience. Un bon début serait d’investir davantage dans des infrastructures résilientes d’un point de vue climatique, dans une agriculture résistante à la sécheresse, et dans des solutions basées sur la nature.

Trois actions pour investir dans la résilience climatique

  1. Soutenir le développement de modèles d’affaires réplicables pour les investissements qui améliorent la résilience climatique. Des approches telles que les solutions basées sur la nature ont un potentiel économique très important – avec de l’ordre de dix dollars de bénéfices pour chaque dollar investi. Cependant, malgré un intérêt croissant de la part des investisseurs, les projets actuels ont tendance à être de petite taille et dépendants de financements publics ou philanthropiques. Le défi sous-jacent est de transformer ce potentiel économique en modèles d’affaires viables. Il y a un besoin urgent d’identifier, puis de faire passer à l’échelle, des modèles d’affaires impactants en partageant les exemples de réussite, en améliorant l’environnement réglementaire, et en ayant recours à l’innovation pour agréger les co-bénéfices au sein d’un plan d’affaires viable.
  2. Mettre en évidence les impacts positifs. Les investissements censés contribuer à la résilience doivent non seulement fournir un rendement financier attractif, mais aussi de véritables impacts positifs sur le plan social et environnemental- et pas seulement la « repeinture en vert » des affaires courantes. Pour donner confiance au marché, il faut fournir aux investisseurs des métriques pertinentes, comparables et ciblées pour mesurer l’impact des entreprises et des portefeuilles d’investissement sur l’amélioration de la résilience. La question est complexe, mais on ne part pas d’une page blanche. Un travail précieux est déjà en cours pour mesurer l’impact environnemental des investissements, ainsi que pour développer des métriques et des systèmes de notation de la résilience.
  3. Encourager une gestion des risques socialement responsable. La vulnérabilité économique et sociale est liée à la vulnérabilité climatique, car les communautés aux bas revenus sont souvent situées dans des zones à risque. Il est essentiel que les efforts d’amélioration de la transparence sur les risques physiques dans le système financier n’aient pas pour effet secondaire non recherché de décourager l’investissement en infrastructure dans les endroits où il est le plus nécessaire. S’atteler à ces défis permettra de développer les collaborations public-privé et le soutien à des approches « gagnant-gagnant » qui permettent de gérer les risques en augmentant la résilience des communautés.

Il s’agit là de défis systémiques, et pour y faire face nous avons besoin d’un niveau de collaboration sans précédent dans le système financier et au-delà. A l’OCDE, nous travaillons avec les décideurs du système financier pour progresser sur ces sujets, en nous appuyant sur nos capacités d’analyse, notre rôle dans la mise en place de normes internationales, et notre approche « l’ensemble du gouvernement est concerné ». Ce travail comporte la production de données et d’analyse pour appréhender les tendances de fond, l’échange d’information, et l’identification de principes de bonne pratique. Notre travail sera mené en collaboration avec le Centre pour la Finance et l’Investissement Verts, ainsi que des initiatives clé comme la Table Ronde sur le Financement de l’Eau.

Si vous souhaitez être associé à ce travail, merci de contacter : env.contact@oecd.org

Lire aussi

OECD (2020), “Building back better: A sustainable, resilient recovery after COVID-19”, OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/52b869f5-en.

OECD (2020), “Nature-based solutions for adapting to water-related climate risks”, OECD Environment Policy Papers, No. 21, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2257873d-en.

OECD (2020), Developing Sustainable Finance Definitions and Taxonomies, Green Finance and Investment, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/134a2dbe-en.

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